Déclaration du représentant de l’enfance et de la jeunesse concernant les motifs de la décision de la Cour d’appel du Nunavut


novembre 16, 2020

Nunavoises,
Nunavois,

La mission du Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse (le Bureau) est de s’assurer que le gouvernement du Nunavut (GN) fournit des services de façon éthique, équitable et uniforme, en répondant aux besoins et en respectant les droits des jeunes Nunavummiuts et des familles qui dépendent de lui. Le Bureau ayant des comptes à rendre au public, j’aimerais faire une déclaration quant aux raisons invoquées par la Cour d’appel pour suspendre la sentence d’une mère accusée d’avoir causé « des blessures épouvantables[1] » à son enfant de cinq ans.

Il revient au ministère des Services à la famille de protéger les enfants et les jeunes du Nunavut, et de leur fournir des soins adéquats. Or, il a failli à sa mission. Le commentaire de la Cour d’appel sur « l’avenir sombre[2] » qui attend les jeunes en foyer d’accueil devrait résonner comme un appel à réparer un système qui en a urgemment besoin, et qui pour l’heure échoue à répondre à ses obligations envers toutes les Nunavummiutes et tous les Nunavummiuts qui dépendent de ses services.

La décision de la Cour d’appel ne fait qu’exacerber les nombreuses préoccupations du Bureau à l’endroit du ministère des Services à la famille. Dans le traitement des plaintes qui nous sont soumises à son sujet, nous sommes continuellement confrontés à un manque de responsabilité et de cohérence. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu que j’aborde directement dans le rapport annuel 2019-2020 que j’ai déposé à l’Assemblée législative du Nunavut le 21 septembre 2020.

À la lecture de la liste du ministère des Services à la famille faisant état des blessures graves et des décès chez les jeunes au cours des cinq dernières années, j’ai été choquée de constater la fréquence et l’ampleur de la violence et des abus physiques et sexuels qu’on y retrouvait. J’étais tout aussi inquiète du peu de réactions qu’ont suscité ces incidents au ministère des Services à la famille […] De plus, la liste que j’avais en main était incomplète, car […] le ministère des Services à la famille, de son propre aveu, ne fait pas de suivi rigoureux de ces cas[3].

J’ai fait part de mes nombreuses préoccupations au sous-ministre des Services à la famille à maintes reprises. Je veux aujourd’hui m’assurer que toutes les Nunavummiutes et tous les Nunavummiuts sont au courant de mes inquiétudes et des mesures que prend le Bureau pour obliger le gouvernement à rendre des comptes et à améliorer les services. Nous procédons actuellement à l’examen des services de protection de l’enfance assurés par le ministère des Services à la famille, à la lumière de notre travail de défense des droits. Le Bureau travaille également à élaborer un programme d’enquêtes sur les décès et les blessures graves.

Le ministère des Services à la famille a signalé, « entre le 30 septembre 2015 et le 31 mars 2020, 556 cas de blessures graves et décès chez les jeunes Nunavummiuts qui recevaient des services du directeur des services à l’enfance et à la famille[4]. » Le directeur des services à l’enfance et à la famille a également révélé « de sérieuses lacunes dans la documentation, le suivi et le signalement de ces blessures[5] », ce qui laisse croire que le chiffre réel pourrait être encore plus élevé.

Le programme auquel nous travaillons aura comme objectif d’examiner les circonstances menant à une blessure grave ou à la mort d’un jeune, afin de déterminer si le GN lui a offert les services auxquels il avait droit et si ces services répondaient à ses besoins. Il prévoira l’autorité nécessaire pour enquêter sur les situations de maltraitance, comme celle vécue par l’enfant de cinq ans dont parle le jugement de la Cour d’appel. L’idée ne sera pas tant de trouver des coupables, mais bien de suggérer des modifications aux lois, aux politiques, aux procédures, aux programmes et aux services qui permettraient de prévenir de nouvelles blessures ou de nouveaux décès du même type. Ce programme permettra au Bureau d’examiner les actions et les décisions du ministère des Services à la famille, ou d’autres ministères du GN, afin de déterminer le rôle qu’ils ont joué, ou qu’ils auraient dû jouer pour empêcher que surviennent ces blessures graves ou ces décès.

Le gouvernement du Nunavut doit assumer sa responsabilité et faire respecter les droits des jeunes en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies et, plus précisément dans la situation présente :

Article 19 : Le droit d’être protégé de toute forme de maltraitance et de négligence;
Article 20 : Le droit d’être protégé si l’enfant ne vit pas avec ses parents;
Article 21 : Le droit d’être protégé si l’enfant est adopté.

Il est de la responsabilité du Bureau et du grand public de demander des comptes au GN sur les services dont nous avons besoin. Et nous devons exiger qu’il en fasse plus.

Sincerely,

Jane Bates
Representative for Children and Youth



[1] Bell, J. (22 octobre 2019). « Nunavut mom’s child abuse must be denounced, appeal court rules », Nunatsiaq News. Sur Internet : https://nunatsiaq.com/stories/article/nunavut-moms-child-abuse-must-be-d....

[2] Neary, D. (21 octobre 2019). « Abusive mother won’t serve jail time due to deficiencies of Nunavut’s foster care system, appeal judges rule », Nunavut News. Sur Internet : https://nunavutnews.com/nunavut-news/abusive-mother-wont-serve-jail-time...

[3] Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse (2019). Rapport annuel 2019-2020 du Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse, Iqaluit (Nunavut), Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse. Sur Internet [en anglais seulement] : https://rcynu.ca/whats-new/publications/representative-children-and-yout...

[4] Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse (2019). Rapport annuel 2019-2020 du Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse, Iqaluit (Nunavut), Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse. Sur Internet [en anglais seulement] : https://rcynu.ca/whats-new/publications/representative-children-and-yout...

[5] Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse (2019). Rapport annuel 2019-2020 du Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse, Iqaluit (Nunavut), Bureau du représentant de l’enfance et de la jeunesse. Sur Internet [en anglais seulement] : https://rcynu.ca/whats-new/publications/representative-children-and-yout...